C’est avec la sonnerie du réveil que nous émergeons de notre sommeil profond et légèrement imbibé des excès de la nuit dernière. Le petit déjeuner est toujours autant gargantuesque et c’est donc l’estomac bien rempli que nous grimpons dans le mini bus qui doit nous déposer en pleine jungle. Isa et Claudie sont déjà installées, tout comme « Poignet » et deux jeunes gars qui nous accompagnent.
Nous faisons un premier arrêt sur un marché pour acheter quelques victuailles et une paire de bottes pour chacun de nous.




La pluie s’est mise à tomber et c’est un véritable déluge qui s’abat sur nos têtes. Nous rejoignons notre véhicule et reprenons la route. Nous ne parcourons que quelques kilomètres avant de nous arrêter à nouveau. « Poignet » nous arrête dans un magasin qui vient juste d’ouvrir. On y vend à boire, et surtout de l’alcool. Les propriétaires n’ont pas encore étiqueté toutes les bouteilles et c’est un peu le client qui établit le prix. Nous repartons avec quelques bouteilles de whisky, histoire de prendre l’apéro avec nos hôtes de cette nuit, les bucherons de la jungle.
Un véritable rideau de pluie nous oblige à rouler plus lentement qu’à l’habitude, évitant poules, canards, motos et piétons qui traversent dans une indifférence totale. Nouvel arrêt de quelques minutes à la police de l’immigration, le temps pour « Poignet » de s’acquitter » de quelques taxes pour l’obtention des permis d’entrée de la zone. Nous allons entré dans une sorte de réserve d’état, dans la jungle, haut lieu d’exploitation du teck Dahat. Cette essence est endémique et est considérée comme l’une des meilleures au monde. Très menacée, son exploitation est très surveillée par l’état qui semble avoir pris conscience des risques encourus par une exploitation non contrôlée. Les locaux replantent d’ailleurs régulièrement la foret et ce sont par endroits des centaines de tecks qui poussent à flan de collines. Nous ferons ensuite quelques arrêts, histoire de nous dégourdir les jambes et prendre quelques photos.




C’est 2 heures après avoir quittés Taungoo que nous arrivons dans le village dans lequel nous allons abandonner notre véhicule. C’est la mie journée et il est temps de manger un morceau. Nous nous arrêtons dans le resto du village et mangeons une fois de plus un délicieux repas composé de riz et de quelques currys pendant que « Poignet » par à la rencontre du chef du village. Il lui faudra en effet questionner les locaux pour connaitre les emplacements des différents camps de bucherons. Ces hommes de la jungle installent leur camp en pleine jungle et y restent durant une période de 3 à 6 mois. Après avoir coupé les arbres qui pouvaient l’être, ils déplacent leur campement dans des régions encore vierges de toute empreinte humaine. Les camps peuvent se trouver très éloignés et « Poignet » doit donc identifier ceux qui ne nous obligeront pas à marcher la journée entière dans la jungle et qui pourront également nous accueillir, nous les 4 occidentaux en quête de verdure primitive ainsi que nos 3 accompagnateurs.
Nous avons le choix entre plusieurs camps. L’un étant trop occupé à soigner un éléphanteau malade et les autres étant trop éloignés, nous choisissons un camp qui pourra non seulement nous accueillir, mais dont certains occupants se sont rapprochés du village pour se ravitailler. C’est donc à dos d’éléphants que nous parcourrons les quelques kilomètres jusqu’au campement.
Nous déchargeons notre véhicule des victuailles et effets prévus pour notre séjour et attendons l’arrivée de nos hôtes.


C’est après quelques dizaines de minutes d’attente que nous apercevons 2 gros pachydermes sortir de la verdure. Les mahouts sont installés sur l’encolure de l’animal et semblent diriger leur monture avec une grande précision.
Le premier contact avec les animaux se fait par l’intermédiaire de la nourriture. Nous leur offrons les bananes que nous avions achetés sur le marché.
Après avoir fait connaissance, nous chargeons les matelas, qui serviront de sièges, puis nos sacs et la nourriture, et enfin grimpons à bord. Isa, Claudie et Fabrice sont tous les trois sur le même éléphant et je me retrouve seul sur le mien. Enfin, quand je dis seul, c’est évidemment en compagnie du mahout.
Après quelques centaines de mètres sur la route, nous nous enfonçons dans la jungle épaisse et luxuriante. La végétation est excessivement dense mais cela semble ne poser aucun problème à nos montures qui arrachent les branches et piétinent tout ce qui peut gêner leur progression.
Le terrain est très gras, saison des pluies oblige, mais les pachydermes ont le pas sûr. Leurs énormes pieds s’enfoncent dans la boue comme un couteau dans du beurre mou. Balancés de droite à gauche et d’avant en arrière, notre position n’est pas hyper confortable mais nous apprécions de nous faire transporter sur ce terrain quelque peu hostile.
C’est après une bonne demie heure que nous arrivons au camp. La cabane, faite de bambou et de bâches en plastique, est plantée au beau milieu d’une clairière boueuse. Il est évident que l’endroit a été « nettoyé » par les hommes. Quand j’écris « nettoyé », j’évoque bien sûr la coupe des arbres gênants. Il s’agit plutôt d’un espace aéré, dont la surface est couverte d’une boue épaisse et collante.
Il nous faudra bien sûr enlever nos bottes toutes crottées avant de fouler le sol de notre hébergement pour la nuit. Le temps de décharger nos sacs, nous prenons nos serviettes et partons dans la jungle faire une petite toilette. Après avoir remontés la rivière sur quelques dizaines de mètres et escaladés quelques rochers, nous faisons un arrêt dans un endroit enclavé dans la roche. Ce sera notre salle de bain d’un soir. « Poignet » a emporté quelques petits savons et cet élan de propreté est un vrai régal. C’est d’ailleurs la plus belle salle de bain que nous n’ayons jamais eu. Les filles, Isa et Claudie sont restées un peu à l’écart, et chacun de nous profite au mieux de cette balnéo en pleine nature.
De retour à la cabane, il est temps de prendre l’apéro. Nous partageons les quelques bières achetées sur la route avec nos hôtes. L’un d’eux nous fabrique un verre chacun dans une branche de bambou. Quelques coups de machette et le tour est joué. Ici, tout se transforme, rien ne se perd.
Pendant ce temps là, nos jeunes accompagnateurs ont commencer à préparer le diner. Les parents de « Poignet » sont d’origine népalaise et c’est un repas népalais dont nous profiterons ce soir. Ce sera également une découverte pour les bucherons qui ne connaissent que le riz et les légumes façon birmane. La cuisine est aménagée à l’extrémité de la cabane. Quelques gamelles sont posées sur des étagères de bambou et le foyer de terre cuite est posé sur le sol, fait de nattes de bambou. Et bien oui, ici, tout est en bambou.


Après avoir préparé une grosse boule de pâte, « Poignet » découpe des petites boulettes qu’il aplatira ensuite pour en faire des galettes. C’est en fait des dizaines et des dizaines de chapatis qu’il en train de préparer. Nous participons bien sûr à la préparation du repas, entre deux verres de whisky.

La nuit est tombée et les currys sont prêts. Alors que le plus jeune termine la cuisson des dernières galettes, nous entamons ce délicieux repas. Une fois de plus, c’est un véritable festin qui nous est proposé.
Nos hôtes, qui nous ont laissé la place, nous rejoignent à la fin du film qu’ils ont regardé avec attention sur le petit lecteur vidéo alimenté par une batterie. Nous finissons la soirée tous ensemble, essayant de communiquer tant bien que mal, par gestes ou avec l’aide de « Poignet ». Le whisky coule à flot et il ne leur faudra pas longtemps pour venir à bout des trois bouteilles. C’est bien fatigués que nous tenterons de trouver le sommeil, bercés par les bruits de la jungle, le son du DVD et des portables jouant la musique des jeux vidéo.
Jour suivant
Chacun semble savoir ce qu’il a à faire. Certains sont déjà partis à la rivière alors que d’autres semblent avoir du mal à émerger. L’odeur du café chaud empli la cabane. Nous prenons un bon petit déjeuner et partons dans la jungle avec un mahout.



Comme chaque matin, les mahouts partent à la recherche de leur éléphant. L’emploi du temps d’un éléphant est assez simple. La matinée commence par un bain, qui permet à son propriétaire de le débarrasser de la boue et des parasites. Le mahout lui installe ensuite un harnais pour le travail, qu’il gardera jusqu’en milieu d’après midi. Après avoir trainé les troncs jusqu’à la rivière, ils ont tous quartier libre et sont lachés dans la jungle jusqu’au lendemain matin.
Et chaque matin, c’est reparti pour un jeu de piste. Les mahouts observent les empreintes et les traces laissées par la chaine pour retrouver leur compagnons de labeur. Les éléphants étant en liberté, un mahout peut passer plusieurs heures à arpenter la jungle avant de pouvoir démarrer sa journée de travail.
Le mahout que nous accompagnons a la garde d’une mère et de son petit. J’écris « a la garde » car les animaux appartiennent à l’état et les mahouts ont pour métier de garder, soigner, nourrir et faire travailler leur compagnon.
Nous passerons une bonne heure avant de trouver la petite famille. Le petit est un peu tout fou et il n’hésite pas à s’éloigner de sa mère pour venir nous voir. Très curieux et un peu maladroit, il joue avec sa trompe, va de droite et de gauche. Le spectacle est exceptionnel et nous passons un moment extraordinaire avec le roi de la jungle.
De retour au camp, chaque mahout prend grand soin de son éléphant. C’est lheure de la douche et hommes et éléphants y prennent tous un grand plaisir. C’est d’ailleurs également notre cas.
Fabrice à l’oeuvre
Après un bon bain et quelques friandises, il est temps d’aller bosser.
Chaque mahout grimpe sur son éléphant et s’enfonce dans la jungle.
Seuls la mère et son petit sont exempts de travail. L’éléphanteau joue avec tout ce qu’il croise et n’hésite pas à aller chatouiller les deux autres femelles restées à la rivière. Celles ci se montrent très prévenantes, et à la manière d’une nounou, aide le petit et s’en occupe comme s’il s’agissait du leur.
Une bonne demie heure après avoir quitté la rivière, les gros mâles sont de retour. Bien que d’immenses troncs d’arbres soient accrochés à la chaine, les gros pachydermes semblent avancer sans trop de mal. Ils vont ainsi descendre quelques arbres coupés jusqu’à la rivière avant de les ranger soigneusement les uns à côté des autres. Les mahouts dirigent leur monture d’une main (et d’une voix) de maitre. Les regarder travailler est très impressionnant. Les mahouts n’utilisent comme aides que les jambes et la voix pour guider leur monture, aucun geste violent ni outil blessant ne sont utilisés.
La fin de matinée approche et il est maintenant temps de prendre le chemin du retour. Nous faisons d’abord une pause repas dans la cabane puis rangeons nos affaires avant de charger nos éléphants.
A peine partis, c’est une averse tropicale qui s’abat sur nos têtes. La pluie est diluvienne et nous sommes tous trempés. « Poignet » repère une plante dont les grandes feuilles rondes mesurent bien 80 cm de diamètre. Il en coupe 3 qui serviront à protéger les sacs et matelas. Arrivés au village, nous saluons et remercions nos hôtes et grimpons dans notre minibus. Le reste de la route se fera dans le calme, sans doute du à un peu de fatigue mais plus surement au regret de ne pas pouvoir passer plus de temps dans cet endroit merveilleux qu’est la jungle.
Arrivés en fin de journée à la guesthouse, nous ne trainerons pas trop car demain, nous partons à 6 h pour prendre le bus qui nous emmène à Yangon, mais cela est une autre histoire…
A suivre…